21 conseils du journaliste au rédacteur web [#2]
Étiquettes : conseil éditorial, journalisme, principes rédactionnels, storytelling
21 conseils du journaliste au rédacteur web – suivez l’épisode 2 de ce guide complet sur les bonnes pratiques de l’écriture Web héritée du journalisme.
S’appuyant sur sa lecture du Manuel de journalisme, signé Yves Agnès ainsi que sur une série d’articles publiés sur ce blog depuis 2006, nous avons entamé précédemment cette série sur les bonnes pratiques du journalisme qui peuvent s’appliquer à la rédaction web. Nous évoquions la loi de la proximité (ou l’importance de créer un lien direct entre son information et le vécu de son lecteur).
[pullquote]3 erreurs du journaliste qui font partir les lecteurs: l’inexactitude, la mauvaise qualité de l’information, le manque de déontologie.[/pullquote]Voyons désormais 4 autres principes : la nécessité d’illustrer son propos par des exemples, le storytelling et la mise en situation, l’éditorial pour captiver le lecteur et la crédibilité ou exactitude de votre information.
2. Illustrez vos propos !
Et je ne parle pas encore d’image ou d’infographie. Il est temps de se replonger dans vos cours de français, ou un dictionnaire des figures de style : les métaphores, litotes et autres ellipses ne devraient plus avoir de secrets pour vous. Ces procédés sont aussi exploités par le journaliste. Ils vous permettront d’imager vos propos, de les rendre plus clairs et plus percutant à la fois.
Vous avez peut-être lu que l’écriture web devait se défaire du superflu, rester la plus simple et la plus informative possible. Comme se doit de le faire le journaliste. Je suis tout à fait d’accord : mais rien ne vous interdit de recourir aux procédés littéraires pour pimenter un peu votre écriture. « Simple et informatif » ne veut pas forcément dire « plat » !
[En bref] Les 21 conseils du journaliste au rédacteur Web3. Racontez des histoires, parole de journaliste
Le saviez-vous ? Le marketing n’a pas inventé le storytelling : les journalistes s’en servent depuis la nuit des temps.
Les contes, les mythes continuent de nous fasciner tout au long de notre vie car ils mettent en scène des situations, des personnes ou des émotions qui nous sont familières, et auxquelles nous pouvons facilement nous identifier. Les ressorts sont quasiment les mêmes pour la loi de proximité : un lecteur qui s’identifie à ce qu’il lit, qui se sent proche du récit, aura envie de dévorer tous vos écrits. Suivez nos conseils pour réussir votre storytelling.
4. N’ennuyez jamais vos lecteurs !
Bon, ce conseil peut sembler évident, mais il est toujours utile de le rappeler. Vous devez, coûte que coûte, maintenir l’intérêt de vos lecteurs. Tout bon journaliste se reconnaît à sa capacité à captiver son lectorat. Or la plupart du temps, contrairement aux idées reçues, ce degré d’intérêt ne dépend pas du sujet ou du thème de votre article, non ; tout dépend de la façon dont vous le traitez.
La loi de proximité, le storytelling ou les figures de style pourront vous aider à donner du rythme et du relief à vos écrits. Des mots puissants, évocateurs, seront également des alliés de choix.
Et pour vous entrainer, un exercice simple peut vous aider à rendre vos textes plus explosifs. Sélectionnez des articles vraiment ennuyeux dans un journal quotidien ou hebdomadaire. Ces articles peuvent être très courts, comme une brève ou un filet. Puis amusez-vous à les réécrire, sans changer le sens de l’information, mais en les rendant beaucoup plus ludiques, ou intéressants. Et si vous faisiez la même chose avec tous vos articles de blog ou les pages de votre site web ?
5. Sachez conserver la confiance de vos abonnés
Vos articles ont su séduire de nombreux lecteurs, qui vous ont témoigné leur confiance en s’abonnant à votre newsletter. Félicitations ! Vous avez parcouru la moitié du chemin. Désormais, vous allez devoir conserver cette confiance —en plus d’attirer de nouveaux abonnés.
Selon Yves Agnès, trois manquements principaux contribuent à détruire la confiance de lecteurs fidèles : l’inexactitude des informations, une information de mauvaise qualité (articles plats et creux, peu originaux…) et les entorses à la déontologie. Une entorse à la déontologie de la rédaction web pourrait être, par exemple, la vente d’un produit affilié sans qu’il soit fait mention de l’affiliation — mais cela reste un avis strictement personnel.
Pensez donc à vérifier vos informations avant de les publier. Pensez aussi à vérifier qu’il n’existe pas seize autres articles sur le même sujet —et si c’est le cas, assurez-vous d’avoir fait mieux si vous tenez vraiment à publier votre papier.
Les 21 conseils du journaliste au rédacteur Web6. Humanisez l’information !
Aussi incroyable que cela puisse paraître, je suis tombée sur un encadré qui traitait du community management dans mon fameux manuel de journalisme. Et l’un des conseils a tout particulièrement retenu mon attention : il faut absolument humaniser l’information, surtout lorsqu’elle est délivrée sur le web.
Alors d’accord, un logiciel qui permet des publications automatiques et planifiées sur les réseaux sociaux, c’est super pratique. Mais gardez en tête que vous vous adressez à des humains : ils attendent donc de vous une communication « humaine ». Pensez également à modérer les commentaires et à répondre aux éventuelles questions de votre lectorat.
7. Surprenez votre lecteur
Ce conseil rejoint les points 3 et 4 : vos écrits web doivent étonner, surprendre et questionner les idées reçues pour intéresser vos lecteurs.
Attention : surprendre, ce n’est pas se forcer à changer de style ! Mais accordez-vous l’anecdote insolite ou l’angle de vue original. Vos lecteurs seront ravis, surtout si ces formats sont habituellement absents de votre blog ou de votre site web. Ils contrasteront avec vos articles informatifs (guides pratiques, conseils…), tout en apportant un éclairage original sur votre thématique.
8. Organisez l’information en rubriques
Avant de lire ce manuel de journalisme, je n’avais jamais pensé à comparer les rubriques d’un site web et celles de la presse écrite. Pourtant, ces deux types de « rubriquage », ou d’architecture, répondent aux mêmes besoins et aux mêmes objectifs. Les rubriques doivent permettre aux lecteurs d’accéder le plus rapidement possible aux informations qui les intéressent, sur un site web comme dans un journal.
Ces rubriques doivent donc être clairement définies, et facilement compréhensibles pour le lecteur. Idem pour les catégories et tags de vos articles. D’un point de vue référencement, les rubriques sont également prises en compte par les bots des moteurs de recherche : une raison supplémentaire d’accorder toute votre attention aux libellés de votre site web.
9. Vérifiez vos informations, encore et toujours
Sur le web, nous sommes quasiment libres de tout écrire. À moins de promouvoir la vente d’armes ou de substances illégales sur un obscur site du dark web, personne ne pourra venir vous reprocher l’inexactitude, voire l’illégalité, de vos informations. Si ce n’est votre lecteur.
L’absence de code déontologique pour la rédaction web ne vous dispense pas de vérifier chaque information. Ce n’est pas forcément l’aspect légal qui est en jeu, mais bien la confiance de vos lecteurs et/ou abonnés. Et franchement, s’il est possible de gagner un procès en diffamation, vous aurez nettement plus de mal à regagner la confiance perdue de vos lecteurs. Vérifiez vos informations avant qu’il ne soit trop tard !
10. Prenez des notes !
Selon Yves Agnès, « plus on prend de notes et plus on aura d’atouts au moment de rédiger. La mémoire est infidèle et courte : noter le maximum de choses, c’est se prémunir contre l’inexactitude. Cela peut faire la différence entre un papier moyen et un bon papier. »
Si vous avez établi une veille, vous connaissez déjà les vertus d’un bonne prise de notes. Ces mots rapidement jetés sur le papier vous permettront de citer vos sources avec précision, de vous rappeler l’idée d’article géniale que vous avez eue deux jours plus tôt, et j’en passe. Ne faites surtout pas l’impasse sur un tel outil !
11. Veillez sur votre secteur d’activité
En marketing digital, on parle souvent de veille sans jamais vraiment la définir. La proposition d’Yves Agnès me plait beaucoup : selon lui, la veille se traduit par « une attitude d’attention et d’écoute permanente de la part du journaliste, qui doit avoir présent à l’esprit à toute heure la question : cela peut-il intéresser mes lecteurs ? »
Commencez par sélectionner vos sources —un onglet « veille » dans votre barre de favoris suffit pour rassembler tous les sites nécessaires. Les alertes Google sont également très utiles, puisqu’elles vous permettent de consulter tous les articles parus sur un mot-clé donné, jour après jour. Et surtout, pensez à prendre des notes ! Enfin, si votre veille porte sur le marketing digital, pensez à consulter cette liste de 53 blogs de référence sur le web marketing.
12. Habituez-vous à hiérarchiser l’information
Être rédacteur ou journaliste, c’est d’abord faire des choix : vous devez sélectionner les informations pertinentes, tout en écartant celles qui ne le sont pas. Mais une fois cette sélection faite, vous devrez encore hiérarchiser les informations retenues pour les présenter de façon optimale à vos lecteurs.
Et pour cela, vous devez d’abord penser à ce que vient rechercher votre lecteur en lisant votre article. Quelles informations seront les plus importantes à ses yeux ? C’est par ces éléments-là que vous devrez commencer.
13. Définissez votre message essentiel
Lorsqu’on lit un article, sur un blog comme dans la presse écrite, on oublie généralement la plupart des informations présentées. Seule une idée-force, un message essentiel nous reste en tête —à condition qu’il y en ait un.
Veillez à bien définir votre message essentiel avant de commencer la rédaction de vos articles. Quelle idée voulez-vous faire passer à vos lecteurs en priorité ? Si vous n’êtes pas capable de définir un tel message, il est peu probable que votre audience y arrive…
14. Sur le web comme dans les journaux, chaque partie est un tout
Et cette règle s’applique même aux paragraphes de vos articles. Ne partez jamais du principe qu’un internaute lira votre billet d’un bout à l’autre : il est bien plus probable qu’il « pioche » les informations dans les chapitres qui l’intéressent vraiment.
Vous devez donc vous attacher à fournir, dans chaque paragraphe, tous les éléments nécessaires à sa compréhension. N’ayez pas peur de vous répéter, quand c’est nécessaire ; sinon, des liens hypertextes de qualité pourront vous aider à préciser votre propos sans trop rentrer dans les détails.
15. Pensez « pyramide inversée »
La pyramide inversée, c’est le plan de base de tout article journalistique (même s’il en existe plein d’autres). Yves Agnès en parle mieux que moi : « Ce plan enchaîne les informations à partir du message essentiel (réponse aux questions de référence) qui se trouve dans le premier paragraphe, par ordre décroissant d’importance. Les paragraphes suivant développent les questions de référence en apportant les compléments qui donnent la valeur ajoutée à l’information. »
Particulièrement adapté aux actualités, le plan de la pyramide inversée vous permet de livrer l’essentiel de l’information dès le début. Efficace, il est également apprécié des lecteurs pour sa lisibilité et sa clarté. L’essayer, c’est l’adopter !
16. Écrivez des textes « humains »
« Humaniser » vos écrits ne se résume pas à interagir avec vos lecteurs (voir point 6). Vous devez aussi faire appel à leur humanité dans dans vos articles. Cela passe par l’emploi de mots qui font référence aux sens, à l’univers corporel, personnel ou familial. Cela peut aussi passer par des pronoms personnels, qui vous permettront d’installer un lien de connivence avec vos lecteurs.
17. Mentionnez vos sources
Qu’elles soient bibliographiques ou digitales, vos sources doivent toujours apparaitre dans vos articles de blog. Internet ne vous dispense pas de cette obligation, loin de là : la propriété intellectuelle s’applique aussi aux écrits web. Lorsque vous citez un ouvrage ou un article de blog, pensez à mentionner le nom de l’auteur et celui du livre (ou du site), ainsi que la date de publication. Et n’oubliez pas d’insérer un lien s’il s’agit d’une source digitale : cela permettra à vos lecteurs de vérifier vos sources (et ainsi de vous positionner comme un rédacteur fiable).
18. Maitrisez l’art du titrage
Courts ou longs, informatifs ou provocants… Les titres du web ont fait l’objet de nombreux articles et même de livres blancs. Je ne crois pas qu’il y ait de règle absolue en la matière : vos titres doivent d’abord être cohérents avec votre ligne éditoriale, et suffisamment clairs pour que l’on sache de quoi l’article va traiter. À partir de là, vous êtes à peu près libre de faire ce que vous voulez. Et pour tester l’efficacité de vos titres, essayez de les modifier légèrement dans le temps tout en gardant un oeil sur votre outil de web analytics. C’est ainsi que vous identifierez les titres qui fonctionnent —ou pas.
19. Maitrisez (aussi) l’art du chapeau
Pour définir le chapeau, Yves Agnès cite un confrère (que je trouve très à propos) : « Le chapeau doit coiffer l’article sans lui faire d’ombre ». Cette formule souligne bien les deux enjeux fondamentaux du chapeau : celui-ci doit contenir le message essentiel, tout en suscitant la curiosité du lecteur pour lui donner envie de poursuivre sa lecture. Il doit donc situer le contexte et résumer l’information, tout en invitant à la lecture.
Un art difficile qui, bien maitrisé, saura faire grimper en flèche le nombre de clics sur « Lire la suite ». La rédaction d’un bon chapeau peut prendre autant de temps que celle de l’article entier : ne faites surtout pas l’impasse sur cet élément essentiel de la rédaction web !
20. Laissez-vous tenter par l’infographie
Les infographies séduisent autant dans la presse écrite que sur le web. Et pour cause : ce format ludique au possible présente l’essentiel de l’information à retenir, en faisant l’impasse sur le superflu. Les infographies sont agréables à lire, et attirent immédiatement l’attention des lecteurs.
Vous pourrez les utiliser pour présenter des statistiques, des conseils… Ce format s’adapte à la plupart des formats de type « liste ». Et des outils gratuits comme Canva ou Easelly vous permettront de créer de magnifiques infographies en un rien de temps, même si vous débutez. Vous ne savez vraiment pas par où commencer ? Commencez par consulter ces 8 règles d’or pour créer des infographies percutantes (reçues par newsletter au moment de la rédaction de cet article, la vie fait parfois bien les choses !).
Relisez-vous !
Sur le web comme dans la presse écrite, l’étape de la relecture est essentielle. Une orthographe correcte, un guide de styles cohérent sont les garants de votre crédibilité professionnelle. Ni plus, ni moins. C’est un peu injuste, car un article bourré de fautes peut être extrêmement qualitatif sur le plan du contenu. Aux yeux de vos lecteurs, cela ne changera rien du tout : les fautes d’orthographe et de grammaire sont rédhibitoires. Ça ne veut pas dire que vous n’avez pas le droit à l’erreur ; pensez seulement à relire vos articles à tête reposée, et faites-le systématiquement.
Journalisme et rédaction web, même combat ? Tout dépend de ce que vous écrivez. En revanche, les règles de l’écriture journalistique et de l’écriture web se rejoignent souvent, et peuvent même se compléter. Alors, pourquoi s’en priver ?
Source d’inspiration : Le Manuel du journaliste, Yves Agnès aux éditions La Découverte
[Auteur invité : Julie Lucazeau, éditrice du blog LeLabMarketing]