On a tous une histoire, mais on n'est pas tous conteurs…
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La majorité des contributeurs aux sites Web ne sont pas, de formation académique, rédacteurs, journalistes, ni communicants d’aucune sorte. De la même manière que la plupart d’entre eux n’ont jamais eu de cours de Word, mais doivent pouvoir s’en servir quel que soit leur coeur de métier. Réflexion sur l’état de l’art (si je puis dire)…
À l’heure actuelle, les rédacteurs, éditeurs et édimestres chargés d’alimenter les sites Web ou d’envoyer les newsletters n’ont, bien souvent, pas été formés à cela. Je ne dis pas qu’ils n’ont pas reçu une ou deux journées de séminaire sur l’écriture Web ou l’ergonomie des contenus. Ni que ces séances sont vaines et utiles. Au contraire. Mais il faut, à la base, posséder une solide compétence en communication ou, à tout le moins, en rédaction – être capable de raconter des histoires, de transmettre un message, de mettre un contenu à l’écran (comme les metteurs en page font sur le support papier) pour occuper ce genre de fonctions. Oui, alimenter un site Web est un travail de communication.
Tu sais utiliser Word? Tu alimenteras le site Web…
Mais voilà, ces gens-là (dont je fais partie, entendons-nous), qui sont au front de la communication d’entreprise, qui entretiennent et alimentent l’image en ligne de la société, qui assurent une présence numérique de l’institution et instaurent un dialogue avec ses audiences,… ces gens-là viennent souvent d’autres départements, notamment quand ils travaillent dans la boîte depuis 10 ans ; sont vendeurs ou juristes, ou ingénieurs ou militaires «à la base», et non copywriters, rédacteurs ni communicants d’aucune sorte.
De la même manière que nous avons dû tous nous frotter à l’ordinateur, au traitement de texte et à divers logiciels, les entreprises pensent aujourd’hui que leurs employés doivent pouvoir se servir d’un CMS, écrire pour le Web et mettre du contenu sur le site.
Ces employés eux-mêmes, du reste, se plaignent parfois de la frustration qu’ils éprouvent à ne pas pouvoir remplir dûment la tâche qui leur est demandée.
La démocratisation des outils de traitement de l’information digitale a encouragé idiotement les organisations à assigner des fonctions de communication et d’édition à tous leurs collaborateurs. «S’ils ont su acquérir le traitement de texte par eux-mêmes, ils pourront le faire avec un CMS. Et puis tout le monde sait écrire. Réservons nos budgets à des postes plus rentables».
Opérateurs de symboles
Non seulement, les aptitudes nécessaires au traitement de l’information ne se bornent pas à la connaissance des logiciels et systèmes de gestion des contenus. Même si, bien sûr, ce savoir est important, lui aussi. Mais en outre, une communication en ligne efficace et professionnelle peut être très rentable. En témoigne l’émergence de disciplines toujours plus spécialisées telles que la (branded) content strategy, le content ou le social media marketing.
Ceux qui, professionnellement, produisent, traitent, transforment, diffusent du contenu sous toutes ses formes (textuel, hypertextuel, visuel, audio, animé), se doivent d’être de véritables « opérateurs de symboles ». C’est ainsi que Robert Reich désignait, dans son ouvrage L’économie mondialisée (1991) les avocats, scientifiques, professeurs, cadres, journalistes, consultants, marqueteurs, communicants, ouvriers de l’esprit (comme les appelle Reich) et autres «professionnels de l’intelligence», qui gagnent leur vie en manipulant l’information et les symboles.
Un plan de formation complet
Ces gens-là doivent être capables de donner du sens, de générer de la véritable information et de la connaissance exacte en utilisant correctement et utilement les outils disponibles. Ils doivent donc, et cela devrait tomber sous le sens, maîtriser l’écriture et l’édition. La communication.
Oui, aussi banal que cela puisse paraître, un rédacteur, même sur le Web, doit être capable d’écrire (pour le Web). Un édimestre doit pouvoir adapter l’information au média et à la cible pour en assurer la visibilité et la lisibilité.
Et si ces compétences ne font pas partie de leur cursus, il faut les y former. Non pas en leur prodiguant quelques heures d’atelier d’écriture pour le Web ou une séance d’apprentissage du CMS. C’est un véritable plan de formation complet et concret, intégré dans la stratégie de contenu globale, qui doit être mis en place, avec un calendrier de formation, des grilles d’évaluation, des objectifs de performance, de la pratique encadrée, un système de tutorat, etc.
La culture du média
Enfin, travailler dans le domaine de la communication Web nécessite aussi de maîtriser le média. De posséder une culture du Web. L’évolution que connaît Internet et ses utilisateurs est en train de produire une culture qui redéfinit sans cesse les codes et paradigmes du réseau des réseaux.
Ce n’est pas pour rien qu’est apparu le terme Web 2.0. Car, sous cette nouvelle mouture, Internet a intronisé l’internaute lui-même, lui offrant, par sa simplicité d’accès et d’utilisation, la possibilité de prendre la parole et de créer, diffuser, réutiliser, amalgamer et syndiquer du contenu propre ou pas (dans tous les sens du terme) sur Internet.
Et les directions des entreprises ont été les premières à tomber dans le piège de cette universalisation. Signe, sans doute, qu’elles-mêmes manquent – cruellement – de cette culture.
Vous souhaitez explorer l’histoire et l’évolution des médias des origines à nos jours ? Consultez mon blog Tous Médias consacré à la théorie des médias, qui propose une réflexion simple et actuelle sur l’évolution des médias. Ce blog a été créé dans le cadre d’un cours que je donne aux BAC 1 de l’Ecole des arts numériques de Bruxelles.
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Commentaires
Juste une petite réflexion inspirée par la lecture de l’article – Après tout, l’écriture n’est-elle pas l’art qu’on a le moins besoin d’étudier ? J’ai toujours été contre les gens affirmant que pour bien écrire, il fallait lire beaucoup. Rien n’est plus faut. Ce n’est pas en lisant qu’on sait bien écrire : c’est en écrivant, encore et encore. Je dirais même que le fait de ne pas être influencé par les écrivains passés est un PLUS.
Je pense que pour changer les mentalité des cadres dans les entreprises, il faudrait commencer par changer le système scolaire. Car la plupart des jeunes sortant d’écoles ne sont pas formés à la moitié des tâches qu’ils devront accomplir dans leurs jobs, ce qui entraine que l’on doit apprendre une partie sur le « tas ».
Et après on se retrouve avec des patrons qui pensent que dans le travail de vendeur le plus complexe est d’assimiler le fonctionnement de la caisse enregistreuse car le reste c’est seulement conseiller le client, ou alors le graphiste d’une entreprise devient le helpdesk de l’entreprise car c’est un « informaticien ».
Ou comme dans cet article « Tu sais utiliser word, tu feras le webmastering de notre site ».
@ Greg. En effet, il n’est pas donné à tout le monde de bien écrire. Et outre la compétence qui s’apprend, une aptitude naturelle est nécessaire pour communiquer de la bonne manière avec les bons publics. Je ne serais pas aussi catégorique que vous, en affirmant que c’est en écrivant seulement qu’on devient écrivain. L’écoute, l’observation, la lecture (oui), la rencontre avec les lecteurs, etc. sont autant d’éléments qui contribuent à toujours améliorer son message, sa formulation, sa créativité et tout ce qui fait une bonne plume, ou un bon clavier.
@ Shelko. Certes, les écoles devraient – et certaines s’y mettent sérieusement – intégrer davantage de matières et sujets qui font notre quotidien professionnel. Cependant, je ne pense pas que changer l’école aurait, par rebond, une influence sur la perception qu’ont les cadres sup. de l’entreprise actuelle. Vu leur parcours, leur âge, leur usage d’Internet, l’école « ne peut plus rien pour eux ». Ils ont atteint un niveau où ils doivent eux-mêmes s’intéresser aux caractéristiques et potentiels des nouveaux médias pour pouvoir – parce qu’ils n’ont pas le choix – les exploiter de manière utile et pertinente dans leur relation avec leurs groupes cibles.