L'expérience utilisateur: pourquoi ça ne compte pas…
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Je me permets de vous livrer ici en traduction libre quelques passages d’un article très intéressant, sur la question du primat de la satisfaction des besoins de l’utilisateur sur ce qu’on appelle « l’expérience utilisateur ». Je ne m’étais jamais formulé à la question de cette manière. Pourtant, Simon J. Hill, son auteur, met, selon moi, droit dans le mille…
L’expérience utilisateur compte moins que la satisfaction des besoins des audiences… Tel est le point de vue de Simon J. Hill, « Contract digital-product strategy, innovation, design, development, & management practitioner, 12+ yrs (sic) ». Ce n’est pas dans mon habitude de livrer, presque mot pour mot, des contenus venus d’ailleurs. Mais je voulais, avec insistance, mettre à l’honneur le point de vue personnel et singulier de son auteur. Bonne lecture!
Le concept d' »expérience utilisateur » compte parmi les concepts qui contaminent le plus le domaine de la conception d’interfaces utilisateurs. Je le dis non sans éprouver une certaine gêne, moi qui ai été Responsable Expérience Utilisateur par le passé et qui a donné (et donne encore) des ateliers sur l’Expérience Utilisateur, et j’exerce cette discipline sur le terrain depuis des années. Il n’empêche que le concept me semble avoir toujours manqué de sens.
Ce qui compte, ce sont les besoins de l’utilisateur
Pour dire les choses simplement, ce qui importe, c’est l’objectif, et non l’expérience. Qui se soucie de l’expérience si l’objectif n’a pas été atteint? Occupez-vous de satisfaire les objectifs de l’utilisateur (c’est-à-dire tous les objectifs envisagés du point de vue de l’ergonomie) et l’expérience utilisateur se fera d’elle-même. Le primat de l’expérience utilisateur sur l’objectif, c’est le métier de l’industrie des médias et du marketing, qui ont saisi la conception d’IU des sales pattes des ingénieurs qui, depuis des dizaines d’années, concevaient des logiciels inutilisables. Mais cette tactique s’avéra aussi néfaste que le mal qu’elle était censée éradiquer, car elle encourageait la reprise, par le marketing, des métiers de conception de logiciels et d’IU […]. La priorité qu’accordait et que continue d’accorder le secteur du marketing à la stimulation des émotions plutôt qu’à la satisfaction des besoins fondamentaux ont un effet terriblement négatif sur la qualité des logiciels, et, plus particulièrement, les logiciels en ligne.
Pour remettre les choses dans le bon ordre et appréhender l’expérience utilisateur comme il se doit, il faudrait la considérer comme une forme de qualité de communication, fondée sur la théorie de la communication et autres disciplines avancées qui désignent qui analyse, évalue et conçoit un système de communication – c’est à dire la théorie générale des systèmes, la cybernétique, la théorie de l’information, e.a. Et non pas: la publicité, la production médiatique ou la conception graphique. La qualité intrinsèque de la communication est l’objectif, qui se situe au coeur même, également, de la définition mathématique de l’information, telle qu’elle a été formulée depuis les travaux de Shannon jusqu’à Gregory Bateson […].
Sur ce blog, il suffit de cliquer sur le tag expérience utilisateur pour constater que sous ce label, je rassemble les articles traitant des objectifs de l’utilisateur et de l’expérience utilisateur. Je n’étais donc pas loin de partager, dans les faits, le point de vue de Hill. Et vous, qu’en pensez-vous? Pour ou contre le primat des objectifs de l’utilisateur sur l’expérience utilisateur? Votre avis m’intéresse.
Pour aller plus loin
- Why ‘User Experience’ doesn’t matter
- Claude Shannon sur Wikipedia
- Gregory Bateson sur Wikipedia
- Les autres articles de ce blog sur l’expérience utilisateur
Commentaires
Le couple « expérience / objectifs » me semble absolument fusionnel, mais effectivement profondément inégalitaire. Il y a un maitre et un esclave. Tout ce qui relève de l’expérience est (doit/devrait être?) au service de l’objectif.
Et ceci d’autant plus que la nouvelle donne des réseaux sociaux rebat les cartes : une large part de l’expérience est désormais structurellement contraintes par les plateformes (le producteur d’information n’a pas le contrôle de la meta-structure facebook)
et doit donc désormais emprunter un « parcours utilisateur » contraint pour atteindre ses objectifs.
Si la communication était du patinage artistique, le changement de paradigme du jour serait : la prise de pouvoir de la ‘figure imposée’ sur le ‘programme libre…
L’erreur consiste plus à mon sens de considérer que le respect des objectifs est distincts de l’expérience utilisateur.
L’expérience couvre pour moi plusieurs aspects:
– l’utilisateur peut faire se qu’il attend de l’outil
– à défaut d’être ‘fun’ l’outil est au moins agréable à utiliser
– en aucun cas, l’outil doit se mettre ‘en travers’ de l’utilisateur, sauf s’il le souhaite.
L’expérience ne doit pas se cantonner au seul aspect visuel des IHM.
Un petit exemple: brancher un portable sur un TV.
– Sur Mac: l’écran est reconnu et affiche un double du bureau. Je peux changer mes réglages via les préférences ou le clavier pour basculer entre miroir et extension.
– Sur Vista: l’écran est reconnu, une assistant se lance me demandant comment utiliser l’affichage.
Pour moi l’expérience Mac est ‘meilleure’ dans le sens ou mon besoin (voir sur ma TV) est satisfait ET la machine ne m’ennuie pas avec des questions que je peux me poser seul.
En revanche si le besoin est bien satisfait dans Vista, je suis bien plus frustré car je doit passer par une étape intermédiaire dont je me passe.
Et je ne parle pas de la bascule entre sortie HP/casque et sortie optique pour le son…
Merci Muriel de partager cet article effectivement stimulant.
Même si je partage la distinction qu’il fait et le primat qu’il met sur la satisfaction des besoins devant l’expérience utilisateur, je ne suis pas d’accord sur la conclusion.
Dans mon travail, sur les projets web auxquels j’ai participé, je veille toujours à assurer que le fil conducteur du travail des équipes web reste la satisfaction de l’utilisateur. L’expérience utilisateur n’est alors plus qu’un outil qui permet d’imaginer les interfaces et les fonctionnalités qui donnent le plus de satisfaction à l’utilisateur.
Une expérience utilisateur réussie peut et devrait à mon sens en effet faire partie des besoins à satisfaire. Pour reprendre l’exemple de Sylvain, la solution de Vista n’est donc pas satisfaisante, malgré que le besoin primaire soit couvert, puisque l’utilisateur sent bien que l’on aurait pu faire plus rapide et plus simple encore.
Le besoin doit être comblé. Point Final!
L’expérience utilisateur n’est que de la valeur ajoutée. Cependant une fois le besoin comblé c’est cette dernière qui dictera le choix entre une solution A versus une solution B (à des coût similaire) ou le surcoût d’une solution.
Si la seule solution qui répond à un besoin a une interface de merde, elle sera utilisée. L’expérience utilisateur sera considérée que si il y a concurrence de solution..
Merci à tous pour vos retours.
Ce que je constate souvent dans les tests utilisateurs que j’organise : vous donnez des scénarios aux utilisateurs testés, qu’ils ne peuvent pas effectuer avec succès (et ce n’est absolument pas leur faute, comme je dois souvent le rappeler au client). Les utilisateurs ne parviennent pas à trouver l’info qu’on leur demande de chercher, ni à remplir la tâche qu’ils sont censés (s’ils en croient les contenus de la page testée) pouvoir remplir. Pourtant, au final, lorsque vous leur demandez : « que pensez-vous de votre visite sur ce site Web? Comment trouvez-vous son organisation ? Vous semble-t-il facile de naviguer dans les pages? », ils ont tendance à dire oui. Comme si, dans leur évaluation, leur expérience (affective, émotionnelle) l’emportait sur la réalisation de leurs objectifs (qui, dans le cas des tests, je vous l’accorde, leur sont « imposés »).
Et comme je le dis dans mon billet : je rassemble moi-même mes articles sur la réalisation des objectifs et sur l’expérience utilisateur. Donc, l’un ne va certainement pas sans l’autre. Mais la seconde serait, raisonnablement, de facto remplie si les objectifs sont atteints. Tel est je crois le principal message que je me permettrais de m’approprierais de cet article de Simon Hill.
C’est intéressant cette approche, je pense que ça rejoint les réflexions de Donald A. Norman (si je ne me trompe pas) qui initialement parlait de la conception centrée sur l’utilisateur et qui maintenant parle de conception centrée sur l’activité.
On se recentre sur qui doit être fait, sans pour autant négliger le contexte.
@ Raphaël : oui, Norman aussi table son système sur une approche centrée utilisateur. J’apprécie chez lui la manière dont il met en avant le principe d’affordance: le fonctionnement de l’objet doit toujours être visible par l’utilisateur. L’apparence doit suggérer les actions possibles de la part des utilisateurs. La dimension formelle de l’écrit Web doit, pour moi, répondre à la même exigence: les contenus doivent inciter à l’action tout en indiquant les tâches possibles.
Le besoin doit être comblé. Point Final!
L’expérience utilisateur n’est que de la valeur ajoutée. Cependant une fois le besoin comblé c’est cette dernière qui dictera le choix entre une solution A versus une solution B (à des coût similaire) ou le surcoût d’une solution.
Si la seule solution qui répond à un besoin a une interface de merde, elle sera utilisée. L’expérience utilisateur sera considérée que si il y a concurrence de solution..